Les entreprises ont leur part d’impôt à payer !

Les entreprises ont leur part d’impôt à payer 

par le Réseau pour la justice fiscale (réunion des syndicats et d’une trentaine d’ONG,     de mouvements et d’associations de Wallonie et de Bruxelles)

L’heure du bouclage du budget a sonné… le gouvernement doit décider. L’effort budgétaire est estimé à 4,2 milliards d’euros d’ici à 2017…, mais où prendre l’argent?

Plusieurs pays ouesteuropéens ont annoncé une baisse de leurs taux nominaux d’impôt des sociétés (taux d’imposition de départ sur bénéfices qui n’inclut pas les déductions à prendre en compte ultérieurement). Dans l’Union des 27, les impôts des sociétés sont en constante baisse et sont passés de 38% en 1993 à 23% en 2010! À quand un impôt  zéro…? Les très grosses sociétés utilisent leurs bénéfices pour distribuer      des dividendes ou racheter massivement leurs actions, accumulant du cash au lieu    d’investir et de créer de l’emploi…

Par ailleurs, la pression concertée de l’Union européenne, de l’OCDE et du G20   pour lutter contre les paradis fiscaux, sociétés écrans (Panama Papers,       Bahamas Leaks…) et abus fiscaux (LuxLeaks), vise à la transparence notamment par des bilans comptables établis pays par pays et par des registres publics des réels propriétaires de sociétés. Ces mesures remettent en cause également différents avantages (incitants fiscaux) accordés par la Belgique aux entreprises multinationales. En Belgique, le Conseil supérieur des finances (CSF) y est allé de ses propositions: avec l’objectif de respecter le caractère neutre de l’opération, il a analysé comment abaisser le taux nominal à 25 ou 20%, s’adaptant ainsi à la moyenne européenne. Les solutions du CSF étant d’élargir la base imposable en supprimant certaines déductions ou « niches » et, en parallèle, d’augmenter l’impôt sur les dividendes et autres revenus mobiliers retirés des sociétés. En outre, le CSF a souligné les dangers de la « course vers le bas » en matière d’impôt des sociétés: les recettes fiscales nationales provenant de l’imposition des sociétés seraient mises en péril dans un cadre budgétaire européen qui laisse peu de latitude aux États membres.

En Belgique, des cadeaux fiscaux aux entreprises sont nombreux (une cinquantaine de niches) et pas toujours liés à une activité réelle exercée localement et impliquant de   l’emploi.

La Belgique, paradis fiscal 

Une étude de la Commission européenne, relayée par Oxfam, classe la Belgique au 2e rang des plus grands paradis fiscaux au sein de l’Union européenne. Les intérêts notionnels attirent les centres de trésorerie (pour 40% de l’ensemble) et représentent une perte en recettes fiscales de 40 milliards d’euros en 10 ans (Caterpillar en a bénéficié pour 61 millions d’euros); les déductions pour recherche et brevets ne sont pas liées à l’emploi ni d’ailleurs les « excess profit rulings » (véritable tour de passe-passe fiscal), pour lesquels la Commission demande à la Belgique de réclamer   700 millions d’euros auprès de 35 multinationales. Le ministre des Finances s’y refuse et réclame l’annulation de cette décision auprès de la Cour de justice européenne… tout comme il freine devant une taxe sur les transactions financières au niveau européen,  et se refuse à une vraie lutte contre la criminalité financière!

Si les gouvernements renoncent ainsi à des recettes importantes, il n’en va pas de même pour les grosses sociétés. Elles bénéficient de tout un ensemble d’avantages émanant de services et investissements publics qui leur tombent « tout cuits »: formation et qualification de la main d’oeuvre, infrastructures (tunnels, routes, ports fluviaux et maritimes), transports (gares et aéroports…), services postaux, subsides à l’implantation, environnement et système de soins de santé, paix sociale.

L’impôt, qui a permis tout ceci, est bien ici une « contribution » à une démarche           collective qui assure le bien-être de tous (y compris des entreprises), et

pas seulement une « charge » comme elles le répètent à l’envi… 

Tous les citoyens et travailleurs contribuent par leurs salaires et leur consommation, pour les 2/3 de ces recettes. Pourquoi les sociétés ne le feraient elles pas également    dans de justes proportions?

Cette évidence est régulièrement masquée par les médias et gouvernants,    qui préfèrent parler seulement des dangers de départs éventuels des sociétés.  À l’opposé, ces pouvoirs publics semblent oublier, dans leurs budgets, de prévoir des investissements liés aux facteurs de confort public évoqués plus haut. Un solide environnement sociétal comme la proximité d’un marché ou l’existence d’espaces disponibles,   sont en fait autant de facteurs d’attractivité d’un pays et donc de choix d’implantation des entreprises multinationales. Ils permettent une relance de l’activité économique. Ceci est confirmé par une étude de la Chambre américaine de commerce.

Assurer la justice 

Mais le gouvernement Michel et son ministre des Finances commettent encore   d’autres erreurs.

Celles-ci touchent au prélèvement de l’impôt des sociétés et donc aux recettes fiscales  de l’État. En dix ans, l’administration fiscale a perdu plus d’un quart de ses troupes!  Moins 30% de contrôleurs… en matière d’impôt des sociétés par rapport à 2010:  moins 26% de dossiers contrôlés, moins 1,39 milliard d’euros par an de revenus corrigés suite aux contrôles! Suivant certaines estimations, un contrôleur fiscal rapporte 10 fois son salaire. Recruter des contrôleurs fiscaux n’est pas qu’un investissement rentable: il s’agit pour nous d’assurer la justice fiscale, donc de favoriser la justice sociale. Plus globalement, les services publics (et leur financement par l’impôt) représentent le premier pouvoir d’achat d’une population et le meilleur instrument de réduction         des inégalités.

C’est cela le combat pour la justice fiscale, pour une juste imposition des bénéfices     des sociétés. Il est temps de se réveiller et de lutter aux niveaux belge et européen pour que les entreprises contribuent de manière juste au financement et au fonctionnement de notre société. Pour une Europe sociale et fiscale! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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