La directive sur le secret des affaires adoptée (?) le 17 mai par le Conseil des ministres après le vote au Parlement européen : la honte et le malaise des socialistes qui espèrent une autre directive : la proie ou l’ombre ?
Si la protection des entreprises contre la concurrence déloyale de leurs concurrents ne fait guère polémique, les critiques craignent que le secret des affaires ne sanctionne aussi les « non-concurrents » – c’est-à-dire les lanceurs d’alerte et les journalistes qui souhaiteraient informer le public sur les agissements des entreprises, en utilisant parfois pour cela des documents volés, comme dans l’affaire LuxLeaks. En clair, la directive constituerait un nivellement par le bas des législations européennes, alignée sur les plus dures, comme celle du Luxembourg.
Dans sa première version, la directive était en effet menaçante pour la liberté d’informer, en rendant illégale l’obtention d’informations qui « ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ».
Face aux critiques, les députés européens ont toutefois obtenu, fin 2015, d’importantes évolutions, sous la forme de garde-fous protégeant les journalistes et les lanceurs d’alerte. Ainsi, le texteprévoit, à son article 5, deux exceptions importantes à la protection du secret des affaires :
- « Pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la [charte des droits fondamentaux de l’Union européenne], y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias. »
- « Pour révéler une faute, un comportement inapproprié ou une activité illégale, à condition que [la personne qui commet l’infraction] ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général. »
Ces garde-fous sont-ils suffisants ? La question fait toujours débat, car même si les associations de journalistes se sont félicitées des avancées, elles continuent de dénoncer « un manque de clarté », qui laissera une importante marge de manœuvre aux Etats européens dans la retranscription de la directive – au risque que certains en profitent pour menacer journalistes et lanceurs d’alerte.
Ainsi, plusieurs commentateurs ont fait valoir que le Français Antoine Deltour n’aurait pas pu se prévaloir de la protection des lanceurs d’alerte pour se défendre lors du procès LuxLeaks, car les pratiques qu’il a mises au jour (la rédaction de rescrits fiscaux pour les multinationales par le cabinet PriceWaterhouseCoopers) ne constituaient ni une « faute » ni « un comportement inapproprié »ni une « activité illégale », mais une pratique tout aussi légale que moralement et politiquement questionnable.
En outre, les eurodéputés écologistes se sont désolés par la voix de leur coprésident Philippe Lamberts que le texte fasse « porter la charge de la preuve sur les lanceurs d’alerte et pas sur les entreprises », en les sommant de prouver le bien-fondé de leur action.
Aurait-on pu protéger plus efficacement les lanceurs d’alerte ? Si la directive ne prévoit pas de protection concrète pour eux, il est quand même le premier texte européen de ce genre à faire référence à leur sort, en précisant en préambule que « les mesures, procédures et réparations prévues […] ne devraient pas entraver les activités des lanceurs d’alertes ». La protection des lanceurs d’alerte doit faire l’objet d’une directive séparée, en cours de préparation (dont certains voulaient qu’elle eût été adoptée en même temps que celle sur le secret des affaires, pour s’assurer que l’équilibre est maintenu).
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/04/19/ce-qu-il-faut-savoir-de-la-directive-sur-le-secret-des-affaires_4904548_4355770.html#V6uAyqmScyROKtRa.99
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Selon un collectif du parti socialiste européen et le rapporteur Cofferati, ce n’est que partie remise … en attendant une directive spéciale aléatoire sur les lanceurs d’alerte, il faudra s’être attaqué à des fautes avérées pour être blanchi comme lanceur d’alerte, donc Deltour est condamnable … merci au PSE ! :
Le Parlement européen a fait un pas en avant
La semaine dernière à Strasbourg, le Parlement européen a voté la directive sur le secret des affaires. Dans le sillage des scandales » Panama papers » et » LuxLeaks « ,ce vote a reçu une large publicité dans les médias et les réseaux sociaux, surfant sur la crainte que la nouvelle loi pourrait entraver le travail des lanceurs d’alerte et remettre en cause celui des journalistes d’investigation. Nous avons partagé les mêmes réserves lorsque le texte a été proposé à l’origine par Michel Barnier, alors commissaire européen chargé du marché intérieur. Mais, après une longue période de négociations, nous avons obtenu un accord qui clairement protégera ceux qui révèlent au grand jour des activités douteuses ou hors la loi. C’est pourquoi nous avons voté ce texte sans céder à la désinformation et à la démagogie. Nous sommes restés fidèles aux améliorations que nous avons obtenues. Nous devons être très clairs : les lanceurs d’alerte et les journalistes sont expressément exclus du champ d’application de cette loi. L’exception s’applique non seulement à ceux qui révèlent au grand jour une activité illégale, mais aussi à ceux qui exposent une faute ou un acte répréhensible, à condition qu’ils agissent dans l’intérêt public général. Ces exceptions ont été discutées avec Reporters sans frontières (RSF), la Fédération européenne des journalistes (FEJ), toutes les fédérations européennes des éditeurs de presse (EMMA et ENPA) et l’Union européenne de radiodiffusion (EBU). C’est la première fois qu’il est ainsi fait référence aux lanceurs d’alerte dans une directive européenne. C’est un pas en avant, il exigera d’autres étapes. Lorsque ceux qui dénoncent des pratiques douteuses sont davantage susceptibles d’être poursuivis que ceux incriminés, cela montre des failles dans nos systèmes juridiques. Actuellement, seuls cinq Etats membres disposent d’une législation spécifique qui assure la protection des lanceurs d’alerte, et pis, sept Etats membres n’offrent absolument aucune protection. Cela doit changer. Nous avons demandé à la Commission européenne d’agir et de présenter de nouvelles propositions visant à protéger les lanceurs d’alerte à l’échelle de l’UE. Cette demande figure parmi les principales recommandations de la commission spéciale mise en place par le Parlement européen au lendemain de l’affaire LuxLeaks et adoptées les 25 novembre 2015 à une très large majorité (508 pour, 108 contre et 85 abstentions). Les dernières révélations des » Panama papers » n’ont fait que renforcer l’urgence d’une telle mesure. En tant que gauche européenne, nous devons maintenant être unis pour faire en sorte que la colère autour des affaires » Panama papers « et » LuxLeaks » soit mise à profit pour créer un véritable changement. Nous avons besoin que tous ceux qui ont joué un rôle actif pour contester et corriger la directive sur les secrets d’affaires concentrent leur énergie sur sa bonne mise en œuvre. Tous ceux qui croient qu’il est moralement inacceptable que les riches puissent effectivement choisir si et où ils veulent payer leurs impôts doivent unir leurs forces pour créer le changement. Une directive pour les lanceurs d’alerte sera une nouvelle étape dans ce combat que nous menons sans relâche. Collectif © Le Monde
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La polémique sur le » secret des affaires » ulcère les eurodéputés
Ils savaient que le sujet » secret des affaires » était sensible, qu’une pétition de la journaliste Elise Lucet dénonçant le projet de directive censé protéger ce secret circulait déjà depuis des mois sur Internet. Mais les eurodéputés ont été surpris par la tempête médiatique qui, en France, a suivi leur feu vert définitif au texte européen (503 voix pour, 131 contre et 18 abstentions), le 14 avril à Strasbourg. Accusés d’avoir cédé aux lobbys, d’avoir cautionné une loi liberticide destinée à entraver le travail des journalistes dix jours seulement après les révélations des » Panama papers « , ils sont vexés, frustrés. Persuadés d’avoir abouti à un texte équilibré, les eurodéputés se disent victimes de la » démagogie » ambiante, surtout les -sociaux-démocrates. Et, comme la socialiste Virginie Rozière, ils redoutent à nouveau » plein de mails d’injures « lors de l’ouverture du procès du lanceur d’alerte Antoine -Deltour, à Luxembourg, mardi 26 avril. Les Verts sont les seuls à pavoiser. Et pour cause : ils s’opposent au projet de directive depuis le début des discussions sur le texte à Bruxelles (il a été initialement proposé par la Commission européenne fin 2013). » Le timing du vote était franchement malvenu, juste après les “Panama papers”. Il n’est pas liberticide, mais il ne protège absolument pas les lanceurs d’alerte « , dénonce Pascal Durand. Avec ses collègues Eva Joly ou Philippe Lamberts, l’eurodéputé réclamait un report du vote, le temps que l’Union européenne se dote d’une directive pour les protéger : » On n’était pas à six mois près sur le secret des affaires. « Depuis le 14 avril, les Verts planchent sur un projet de directive » lanceurs d’alerte « , qu’ils comptent présenter officiellement le 4 mai. » C’est une vraie boîte à fantasmes « Les socialistes, eux, invoquent leur bonne foi. La directive » secret des affaires » empêcherait les journalistes de faire leur travail ? » Pas du tout ! « , estime Mme Rozière. Les élus ont bataillé pour améliorer le texte. L’article 5 est désormais explicite : les Etats doivent veiller à ce qu’ » une poursuite soit rejetée lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation alléguée du secret d’affaires a eu lieu (…)pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information « . » On peut difficilement faire plus clair : un journaliste ne peut pas être poursuivi au titre du secret des affaires « , articule Mme Rozière. Elle reconnaît certes » les demandes des multinationales « sur le texte, mais » nous n’avons pas subi de pressions particulières, et si le texte a été adopté, c’est parce que le Conseil – la réunion des Etats membres – a accepté nos objections sans problème « ,se défend l’élue. Comme ses collègues, Mme Rozière admet les lacunes au sujet des lanceurs d’alerte, qui, pour éviter une condamnation, doivent apporter la preuve qu’ils ont » agi dans le but de protéger l’intérêt public général « . Mais le texte présenterait des avancées. » Si la directive avait été transposée dans le droit luxembourgeois, elle n’aurait pu qu’améliorer la situation d’Antoine Deltour « ,assure l’élue, qui regrette » un débat idéologique. Les arguments rationnels ne sont plus audibles « . Une poignée de socialistes français se sont quand même abstenus lors du vote : Edouard Martin, Emmanuel Maurel et Guillaume Balas. » J’ai des doutes sur l’agenda de la directive, je ne vois pas sa nécessité « , souligne ce dernier. Constance Le Grip, la rapporteure (Les Républicains) du texte, n’a, elle, ni doutes ni frustrations : » La directive n’est pas parfaite mais nous avons travaillé en toute bonne foi. » Alors pourquoi avoir refusé un report du texte ? » On aurait encore accusé le Parlement de ne rien faire, de tourner à vide « , se défend l’élue, qui relève que » le terme français “secret des affaires”, c’est une vraie boîte à fantasmes. En anglais, la directive traite de la protection des “know-how”, des savoir-faire « . La polémique aura en tout cas eu un avantage : impossible, à Strasbourg, de refuser l’examen d’un futur texte sur les lanceurs d’alerte, même dans le camp conservateur. Cécile Ducourtieux (bruxelles, bureau européen) © Le Monde
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La directive européenne protégeant le « secret des affaires » a été adoptée, jeudi 13 avril. Malgré une pétition signée par plus de 500 000 personnes, les députés européens ont voté, à une très large majorité (77 %), le texte proposé par la Commission européenne.
De quoi s’agit-il ?
Pour défendre le secret de leurs affaires, les entreprises pouvaient passer par plusieurs outils juridiques en Europe : propriété intellectuelle, droit pénal (en cas de vol de documents, par exemple). Le lobbying intense de grandes multinationales désirant obtenir le même arsenal juridique que la Chine et les Etats-Unis a vu ses démarches couronnées de succès.
Le texte adopté la semaine dernière vise à protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel. L’exemple le plus spectaculaire date de 2005 : en plein rallye du Japon, un individu profite d’un passage de relais entre deux rondes de vigiles pour s’introduire dans un hangar, sur le parc d’assistance du circuit. Il dérobe ainsi le pneu « magique » qui a contribué au succès de Citroën en championnat du monde et incite son constructeur, Michelin, à revoir complètement sa gestion du secret.
En cas de vol ou d’utilisation illégale d’informations confidentielles (innovations technologiques, mais aussi données économiques ou tout autre document), les victimes pourront demanderréparation devant les tribunaux en Europe.
« Les Etats membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d’affaires aient le droit de demander les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d’empêcher l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites d’un secret d’affaires ou d’obtenir réparation pour un tel fait. »
Pourquoi c’est important ?
L’application de la directive ne devrait pas entraver les activités des lanceurs d’alerte, selon les défenseurs du texte et le texte justificatif de la directive : « La protection des secrets d’affaires ne devrait dès lors pas s’étendre aux cas où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public, dans la mesure où elle permet de révéler une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale directement pertinentes. »
Mais le problème est qu’il reste à définir la « pertinence » de la révélation et « l’intérêt public ». En clair, ce sera à un juge de trancher au cas par cas s’il est « pertinent » de dévoiler les secrets de la structure financière d’une entreprise et si ces révélations relèvent de l’intérêt général.
En outre, dans le cas des « Panama papers », de nombreuses sociétés offshore créées par des entreprises ne tombent pas sous le coup de l’illégalité ; ces entreprises auraient ainsi pu utiliser la directive pour faire taire les médias.
« Toute information que l’entreprise a essayé de maintenir secrète est donc protégée légalement : on est bien au-delà de la seule propriété intellectuelle », détaille Jonathan Guéraud-Pinet, attaché parlementaire à Bruxelles.
Lire aussi : « Panama papers » : ces grandes sociétés françaises qui profitent du système offshore
Et maintenant ?
Les 28 Etats européens ont maintenant deux ans pour traduire la directive dans leur législation nationale. Certains gouvernements pourraient être tentés d’utiliser la directive pour étouffer desenquêtes compromettant le pouvoir économique et/ou politique.
« Les exceptions prévues à l’article 5 pour l’exercice de la liberté d’expression et d’information manquent de clarté. Les garanties apportées à la liberté des médias dépendront largement de la façon dont les gouvernements appliqueront la directive », s’inquiète Reporters sans frontières. Et tant qu’une jurisprudence ne permet pas encore de calculer les risques de la publication d’une information, la frilosité pourrait dominer parmi les lanceurs d’alerte et les journalistes.
La BBC a interrogé la rapporteure de la directive, la Française Constance Le Grip, sur le risque encouru par les journalistes et les lanceurs d’alerte s’ils révèlent des informations d’entreprises. A la question : « Pouvez-vous promettre qu’aucun ne sera condamné à cause de cette directive ? », Mme Le Grip répond : « Je ne suis pas un juge. »
Par ailleurs, si les eurodéputés Verts et Front de gauche y étaient si farouchement opposés, c’est qu’il s’agissait d’un texte qui « fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d’alerte et pas sur les entreprises », selon Philippe Lamberts, coprésident du groupe Verts-ALE.
Ce qui manque cruellement à ce texte, c’est son pendant législatif afin de protéger les lanceurs d’alerte (seuls cinq Etats membres disposent d’une législation complète sur la protection des lanceurs d’alerte : France, Royaume-Uni, Luxembourg, Roumanie et Slovénie). Mais cette issue est peu probable, comme le résume l’association Corporate Europe Observatory :
« En votant la directive secret des affaires, les socialistes européens perdent tout : à l’issue du débat, et à l’opposé de leurs demandes, la Commission a annoncé que pour elle les dispositions sur le sujet à l’article 5 de la directive suffisaient largement. Autrement dit, pas besoin de directive protégeant les lanceurs d’alerte. »
L’organisation rapporte qu’Antoine Deltour et Edouard Perrin, respectivement journaliste et ancien collaborateur du cabinet d’audit PwC, tous deux à l’origine du
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/04/19/ce-qu-il-faut-savoir-de-la-directive-sur-le-secret-des-affaires_4904548_4355770.html#0bUugljlq32g6wvo.99
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Les Panama Papers auraient-ils été possibles avec cette nouvelle Directive ?
TRADE SECRETS DIRECTIVE
Yesterday the European Parliament voted on the final text of the Trade Secrets Directive. Considering that the S&D Group has been a strong negotiator in order to ensure that workers’ rights are guaranteed, and whistle-blowers and media freedom are protected, our Group voted in the favour of the agreed text.
Regarding the reservations expressed on part of certain trade unions and organisations on whether the new law could be used to prevent employees and journalists from exposing wrongdoings in the work place, we need to be very clear – both whistle-blowers and journalists are expressly exempted from the scope of this law. If this was not crystal clear in the text, we would not have supported it. The exception explicitly states that it applies not only to those exposing illegal activity but also misconduct or wrongdoing provided they acted for the purpose of protecting the general public interest.
However it is not enough that whistle-blowers are exempted from this particular law, as we have seen they can still be trialled under different national or EU laws. Therefore, the S&D has called on the European Commission to put forward new proposals to protect whistle-blowers in the EU exposing illegal or unethical activities and is committed to fight until this happens.
The revelations stemming from the Panama Papers have again shown the vital role that whistle-blowers play in our societies. People who expose illegal activity, government or employer misconduct should be celebrated not prosecuted. They help to ensure that the powerful are held to account for their actions. In doing so they often put their own jobs, careers and even freedom at risk. It is therefore vital that individuals acting for the common good are given adequate protection under EU law.
The S&D Group supports a clear legal framework that guarantees that those exposing illegal or unethical activities are protected from retaliation and we are calling on the Commission to treat this as a matter of urgency and put forward new proposals as soon as possible.
Still the scope of this new Directive, the Group of Socialists and Democrats obtained important guarantees for workers’ rights, a dimension obviously missing in the original proposal. In cooperation with Trade Unions we managed to impose:
– the express exclusion of the autonomy of social partners and their right to enter into collective agreements,
– the express exclusion of the mobility of workers, including the employees’ use of the experience and skills honestly acquired in the normal course of their employment;
– the protection of the exercise of the right of workers or workers’ representatives to information and consultation in accordance with Union and national law or practices;
– the protection of the right to disclosure by workers to their representatives as part of the legitimate exercise of their representative functions.